ça ne s'arrêtera donc jamais...

Février 2012. Il y a eu 4 ans sans toi. L'absence se fait plus douce, moins douloureuse.

Et puis cette maman que je suis et que j'aime beaucoup, qui attend son deuxième bébé. L'arrivée de sa fille a été terriblement difficile :pré-éclampsie, souffrance foeale aiguë, césarienne, réanimation néo-natale, plusieurs jours avant de voir son bébé... bien loin de l'accouchement physio et de la naissance respectée qu'elle aurait aimé... Aujourd'hui cette petite fille est en pleine forme, pétillante de vie, et va avoir un petit frère ou une petite soeur, elle est au courrant, et ne se manifeste pas encore sur le sujet. Elle a été un peu malade ces temps-ci, si bien que le gynéco de sa maman, qui est déjà inquiète quand au risque de récidive de pré-éclampsie, décide de faire une Sérologie CMV à la Maman.(J'avoue ne pas bien en comprendre le but... "pour pouvoir intervenir avant la naissance si il y a un problème" me dit la maman... oui, mais... ce n'est pas si simple...). Le résultat de la sérologie est suspect... peut-être un faux positif... mais peut-être une primo-infection en cours.... Alors on fait quoi maintenant ?

On attends 2 semaines et on recontrôle la sérologie : Angoisse.

Si le résultat ne confirme pas la séro-conversion, elle pourra souffler un peu, mais on lui le recontrolera quand même plusieurs fois au cas où... et puis on fera hyper gaffe aux écho, on ne sait jamais... : Angoisse

Si le résultat confirme la primo-infection, il faut attendre au moins 2 semaines de plus pour faire une amniocentèse : Angoisse

Si la PCR est positive dans le liquide amniotique, il faut faire une surveillance écho et IRM rapprochée à la recherche de foetopathie : Angoisse

Si il n'y a pas d'anomalie échographique : celà n'exclut pas des pathologies qui peuvent apparaitre jusqu'à l'âge de 2 ans... Angoisse, je ne suis pas sûre qu'on accepte une IMG dans ce cas, et même si elle est acceptée, il y a 50% de risque d'interrompre un grossesse d'un enfant sans aucune pathologie... Angoisse

Si il y a une anomalie échographique : IMG...Angoisse, mais on aurait pu s'éviter 2 mois d'angoisse supplementaire.

Si la PCR est négative, il y a quand même 30% de risque que le bébé ait été infecté, et qu'il développe certaines pathologies dans les 2 premières années... Angoisse

Finalement, le seul intérêt que celà peut avoir, est de choisir d'interrompre la grossesse en cas de séroconversion et d'infection foetale, sachant qu'on a quand même 50% de risques d'interrompre la grossesse pour rien... Je peux comprendre qu'on face ce choix, mais àquel prix de soufrance psychologique...

Et la petite fille, pendant que je discute de ça avec sa mère, qui pour la première fois fait un bisou au bidon de sa maman... elle a tout capté...

Et la maman qui me demande comment on fait pour interrompre une grossesse à ce stade "il ne faut quand même pas accoucher ?" "si" "c'est quand même dingue qu'en 2012 on ai pas d'autre moyen que d'accoucher.." Elle mesure l'ampleur de l'horeur qui se desine devant elle... "Mais on peut être endormie complètement ?" "oui, c'est possible, mais...." et là j'ai le choix :  soit je serre les dents, arrête de plonger plus profond dans la discussion et fait une pirouette du genre : bon allez, attendons d'abord le résultat... ou alors je lui dis ce que je pense vraiment, chose que j'ai toujours fait avec elle... Je choisis cette option, mais c'est en larmes que je lui explique que si jamais elle doit vivre cette épreuve, même si on aurait envie de s'endormir et de se réveiller quand tout sera fini, ce n'est pas la solution ; qu'une épreuve ça doit se traverser aussi difficile que ce soit, sinon ça vous revient toujours à la figure... et balbutiant des excuses en lui disant que je suis désolée, que j'ai vécu ça personnellement, et elle de s'excuser aussi "non, c'est moi" : joli tableau, mais 100% authentique, du médecin et de sa patiente, mais aussi de 2 femmes, 2 mères en larmes de chaque côté du bureau... La fin de la consultation un peu acélérrée par la demoiselle qui a envie de faire caca... qui a très envie de faire caca... et qui a fait caca dans son pantalon...

Voilà, 4 ans après, je ne sais pas en parler sans pleurer, et je trouve ça limite professionnellement ;  en même temps je sais qu'avec elle je pouvais me le permettre, je ne l'aurais peut-être pas fait avec une autre.

Mais je la sens mal l'issue de cette histoire...